La symbolique du code linguistique au Maroc chez les femmes
L’intuition m’est venue quand j’entendais souvent des mots dans la région de Chaïdma. Ces mots sonnaient bien et rimaient avec la nature et la géographie de la région. Plus précisément, c’est à Talmest qui se situe entre Safi et Essaouira. Ces mots sont des occurrences qui désignent soit des noms soit des adjectifs à l’instar de : /zajt/- /zajn/- /lajl/…qui signifie respectivement : l’huile, beaux et la nuit.
Ces mots propre au dialecte de la région de chïadma sont reconnus comme une norme de bonne usage et avaient une fréquence d’utilisation qui varie selon le contexte : cadre formel ou informel, homme ou femme, garçon ou fille. Ainsi, pour comprendre cette production linguistique nous avons émis l’hypothèse suivante : les femmes sont ceux qui utilisent le plus cette variation sociolinguistique qui s’apparente standard.
Pour expérimenter cette hypothèse, nous avons fait quelques enregistrements sur un échantillon de vingt personnes. Dix garçons et dix filles, d’un âge entre 9 ans et 13 ans. Ces dix personnes étaient amenées à lire une phrase où existaient les mots déjà mentionnés ci-dessus. Soit la phrase suivante : /ba 3ab fi lajl zajt zjn/ qui sgnifie : mon père a apporté la nuit l’huile de qualité. Les résultats que nous avons obtenus figurent dans le tableau suivant :
Prononciation | garçons | filles |
/aj/ | 7 | 2 |
/i/ | 3 | 8 |
Comme on le montre le tableau, l’hypothèse de départ que les filles utilisent plus la variation standard /aj/ est sujette à caution. 7/10 des garçons optent pour la variation standard, alors que 3/10 préfèrent la variante stigmatisée. Pour les filles c’est le contraire, la plupart des filles utilisent la variation non standard 8/10, tandis que seulement 2/10 emploient la variation standard.
Ceci peut-être avait pour cause le cadre formel (la classe) a influencé cet essaie ? Mais, on ne s’est pas arrêté là, un autre examen a relevé d’autres résultats. Ainsi, j’ai demandé à un intermédiaire (quelqu’un qui vivait dans la même région et qui était familier avec ses élèves (qui n’avait pas d’autorité sur eux)) de refaire la même chose mais avec le dictaphone caché. On a obtenu le résultat suivant :
Prononciation | garçons | filles |
/aj/ | 1 | 7 |
/i/ | 9 | 3 |
Ce changement apparent où la plupart des garçons 9/10 ont utilisé la variante non standard et la majorité des filles 7/3 ont préféré la variante standard ; c'est-à-dire dans un cadre informel relève de ce que appelle Labov ; l’existence d’une norme implicite. Pour les garçons, c’est /i/ la variante non standard qui est proche de la norme citadine (utilisé à Safi) et qui a un trait viril. Quant aux filles, elles ont relevé que l’utilisation de la norme standard /aj/ ne croît que dans un contexte informel où leurs congénères sont présents, par le biais de cette utilisation les filles explicite une marque locale (authentique) qui quoi qu’elle soit précieuse, elle a tendance a éviter le changement.
Conscient que cette petite recherche est loin de conclure sur la symbolique de cette variation dialectale « paradigme classique implicite », notre enquête continue, mais cette fois avec un échantillon qui concerne les adultes.